19 septembre 2018
Emma Solal : interview pour L'amour et c'est tout
(Photo : Letizia Le Fur)
Emma Solal sera le 11 octobre à l’hôtel Pigalle à Paris pour présenter son troisième album sensuelo-electro-pop, L’amour et c’est tout qui sort le 28 septembre prochain. J’apprécie la sensibilité de cette interprète qui n’hésite pas à prendre des risques en se remettant en question en permanence, quitte a changer complètement de style musical. Là, on est dans le moderne et complètement dans l’air du temps, tant musicalement que textuellement. Bref, du beau travail!
Voici la deuxième mandorisation d’Emma Solal (la première, en 2013, est à lire ici. On y apprend son passé artistique notamment). C’est dans un café parisien que nous nous sommes retrouvés le 5 septembre dernier.
Argumentaire de presse officiel :
« Moi, j’aime l’amour, et c’est tout », mantra du nouvel album d’Emma Solal, annonce la couleur. L’album L’amour, et c’est tout, qui fait suite à Robes du soir sorti en 2012 et à Messages Personnels (relecture jazzy du répertoire de Françoise Hardy) sorti en 2016, annonce un tournant dans la discographie d’Emma. Finies les peines de cœur jazzy, place à l’amour pop, aux sentiments électro et aux voyages italo disco. Emma Solal est un caméléon pop, option jeune femme pas toujours rangée. Une allure de ne pas y toucher héritée de son passé d’économiste, mais un sourire franc d’égérie latine, héritière d’une Italie qui aurait toujours la vie douce. Au-delà des chiffres, les lettres et les mots, ceux des songwriters qu’elle a inspirés et qui ont créé pour elle l’écrin pop atmosphérique de son nouvel album. On retrouve les fidèles Pierre Faa et Éric Chemouny, rejoints par Jérémie Kisling, Une Femme Mariée, Grégory Gabriel et Nicolas Vidal pour tailler sur mesure les douze chansons qui composent ce nouvel opus. L’album, produit par Aube et Nicolas Vidal, embrasse des influences que l’on pensait irréconciliables. On imagine Françoise Hardy chez Cassius, Lio chez Daft Punk, ou encore Barbara chez Moroder. Une modernité sonore pour conter d’une voix mélancolique et légère la chronique d’une femme amoureuse (« Un avant, un après », « Monica Vitti »), légèrement égocentrique (« L’amour de moi »), dévouée à son homme (« La femme d’une star ») ou bien encore teintée d’interdits (« Baisers illicites »). Le tout se déroulant dans la chaleur d’une plage italienne (« Is Arutas »), comme pour prolonger la douceur d’un été sans fin en Sardaigne. Ou au bar d’un hôtel parisien, chic mais assez loin de la rive gauche de son premier album. Nouvelle Emma, nouvel émoi.
(Photo : Laurence Guenoun)
Le changement de style musical n’est-il pas un peu radical ?
C’est juste un petit rajeunissement. La vie est un éternel recommencement. Avec ce nouvel album, j’avais envie d’aller vers des couleurs plus pop, plus électro, plus actuelles, et aussi vers le type de musique que j’écoute actuellement.
Tu écoutes toi-même de l’electro ?
Oui, ou de la pop-électro… celles et ceux qui m’ont influencée pour cet album sont par exemple Charlotte Gainsbourg, Barbara Carlotti ou Bertrand Burgalat. J’adore aussi la musique des Daft Punk, de Catastrophe ou de Flavien Berger.
Tu n’as pas eu peur de désarçonner ton public en passant d’un album jazz, chanson française à un album pop electro ?
Non je n’ai pas eu peur (sourire). C’est une évolution et un rebond, à l’instar de la vie… et puis ce n’est pas non plus un album d’électro pur, je dirais que c’est de la pop teintée d’électro. Et puis l’important, c’est d’être en phase avec soi-même.
Nicolas Vidal était la personne adéquate pour ce disque ?
Cela faisait quelques années que l’on souhaitait travailler ensemble. Nicolas est parfois venu chanter des chansons en duo avec moi lors de mon spectacle consacré à Françoise Hardy. La rencontre avec Valentin Aubert (aka Aube) a fini de matérialiser le projet. Valentin a arrangé le dernier album de Nicolas, « Bleu piscine » et j’ai trouvé le résultat formidable. Du coup, j’ai eu très envie de travailler avec eux deux pour mon propre disque. Ils ont réalisé mon nouvel album ensemble, même si j’ai apporté ma petite touche perso parce que j’avais des idées assez précises sur le son que je voulais (et le son que je ne voulais pas !).
Qui a écrit ?
Les deux tiers des chansons sont de Nicolas Vidal ; il y a également deux chansons de Pierre Faa, que j’ai été ravie de retrouver sur ce nouvel opus, après « Robes du soir » et l’album de reprises de Françoise Hardy. Mon ami Éric Chemouny m’a aussi proposé une très belle chanson, composée par Jérémie Kisling. Grégory Gabriel fait également partie de la dream team, complétée par Une femme mariée, dont j’adore les chansons. Je suis très contente qu’une femme soit présente sur l’album.
Clip de "L'amour, c'est tout".
Textuellement, tu as émis des idées ?
J’ai une grande passion et un grand respect pour la langue française. J’avais à la fois le souhait de rester dans une exigence assez littéraire, mais aussi envie de légèreté et de profondeur. Je voulais que ce soit un peu plus dansant que les humeurs musicales que j’avais explorées jusqu’à présent, mais que cela reste aussi mélancolique. J’ai l’impression que nous sommes parvenus à réunir toutes ses envies et couleurs un peu paradoxales. C’est finalement un album très en phase avec ce que je suis devenue depuis Robes du soir !
Rétrospectivement, tu penses quoi de ce premier album ?
J’ai beaucoup de tendresse pour lui. C’est mon amour de jeunesse, ma maison… Et il y a toujours des chansons que je continue de chanter sur scène, avec un grand plaisir.
Ce nouveau disque est né facilement ?
Ce projet s’est déployé de manière très fluide, très naturelle. Cela a été très joyeux et enthousiasmant de le faire avancer…
Je trouve que c’est l’album d’une femme libre, une femme libérée. Elle fait ce qu’elle veut de sa vie, de son corps... Cet album très féminin est tout à fait dans l’air du temps.
Cela me touche que tu l’aie ressenti ainsi. C’est intéressant parce que les choses se sont faites presque malgré moi. C’est sans doute l’énergie que j’émettais… et mes camarades de musique l’ont reçu ainsi. Avec Nicolas Vidal, on a passé pas mal de temps ensemble à échanger, écouter de la musique, manger de bonnes pâtes italiennes aussi (sourire). Il a très bien fait ressortir des aspects de ma sensibilité et de ma personnalité. Je me reconnais dans toutes les chansons qu’il a écrites pour ce disque et dans celles qui m’ont été offertes.
Il y a beaucoup de femmes qui se font remarquer en ce moment. Clara Luciani, Fishbach, Juliette Armanet… Tu en penses quoi ?
D’abord, elles ont toutes du talent, avec leur propre singularité et couleurs musicales. Cette arrivée remarquée des femmes dans la chanson est à l’image de la société. Beaucoup de femmes ont beaucoup de choses à dire, d’autant qu’elles n’ont pas forcément eu l’occasion de le faire pendant longtemps.
Ce qui est intéressant dans ton disque, c’est que l’homme n’est pas critiqué. Tu évoques le couple comme un terrain de jeu entre un homme et une femme. Parfois c’est l’un ou l’autre qui gagne.
Je trouve essentiel qu’il y ait beaucoup de bienveillance, d’intelligence et d’amour. On est tous embarqués ensemble. L’amour, et c’est tout !
Clip de "Baisers illicites" avec Nicolas Vidal.
Le clip très classe de « Baisers illicites » revendique-t-il quelque chose ?
C’est d’abord la vision du réalisateur, avec laquelle j’étais tout à fait en phase. C’est une exploration du désir amoureux, sous la forme d’une sorte de rêve fantasmagorique, irréel. C’est également un hommage et un clin d’œil à l’univers de David Lynch… Ce n’est pas un clip militant, mais j’aime le fait qu’il s’inscrive dans l’époque.
Le mot « militant », tu ne l’aimes pas ?
Ce n’est pas ça, mais le clip est sorti juste avant la Gay Pride et certains m’ont questionnée sur un éventuel message militant, justement. Ce n’est pas le cas. Nous avons souhaité mettre en scène une rêverie autour du désir, mais de façon délicate et suggérée.
Sur scène, tu vas devoir chanter et te comporter différemment.
Même sur le disque, je chante autrement. Je me ballade davantage dans les aigus ! Nous avons commencé les répétitions. Nous sommes en train de prendre nos marques et j’apprécie l’idée de quitter ma zone de confort. Cela sera différent et je m’en réjouis.
Après l'interview, le 5 septembre 2018.
12:09 Publié dans Les coulisses du show biz, Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emma solal, l'amour et c'est tout, interview, mandor
03 juin 2013
Emma Solal : interview pour Robes du soir
Pierre Faa est un auteur-compositeur interprète doublé d’un talentueux journaliste musical. Si je ne le connais pas très bien, quand nous nous voyions, on a l’impression d’être pote depuis longtemps. Bref, j’aime bien son travail et j’aime bien nos rencontres. Quand j’ai su qu’il avait travaillé (et pas qu’un peu) avec une jeune femme, Emma Solal, je me suis donc intéressé de près à son travail.
« D’histoires d’amour, fragiles et mystérieuses, piquantes ou légères, du désir d’Italie, de la beauté tragique des fleurs, Emma Solal butine un jardin musical empreint de couleurs et de fragrances, oscillant entre langueur et facétie ».
Du coup, j’ai demandé à Pierre de me mettre en contact avec la chanteuse. Ainsi le 11 avril dernier, elle est venue à l’agence pour que nous fassions connaissance... (son site, ici).
Biographie officielle, mais un raccourcie :
Emma Solal écrit, chante, rêve... Elle réinvente cette chanson colorisée qu'ont pratiquée Paris Combo, Pink Martini, Enzo Enzo… Il y a en elle des souvenirs de Saint Germain des Prés. On imagine bien cette longue fille brune et lunaire dans la bande à Gréco, époque Rose Rouge, entre Queneau, Boris Vian et Sagan. En même temps, Emma est radicalement de son temps, avec des émotions aussi diverses et spontanées que les couleurs de sa pochette.
Après le succès de sa résidence au théâtre des Déchargeurs, elle sort son premier album « Robes du soir » très encouragé par les internautes. Pour ce premier opus, Emma choisit sa bande, ses amis de musique, avec le talent pour toute considération marketing.
Ça s'appelle la liberté, la fraîcheur, le changement.
Hormis ses créations, il y a des chansons de Pierre Faa (son groupe Peppermoon a séduit l'Asie), un texte d’Éric Chemouny (auteur notamment de "Sang pour sang" d'un certain Johnny Hallyday), Giuseppe Cucè, des musiques de Joël Ducourneau, Charles Rouah...
À vous d'entendre son grain de folie, les saveurs de sa voix et le bel avenir qui l'attend !
(Photo : Stéphane Chouan)
Comment a commencé ton histoire d’amour avec la musique ?
Ça a toujours été là. J’ai fait du piano toute jeune et j’ai poursuivi en chorale universitaire. Ma mère a toujours organisé des concerts de musique classique, donc j’ai toujours été bercée par cet environnement.
Tu tentes de vivre de ta musique aujourd’hui, mais tu as eu une autre vie avant de prendre cette décision.
J’étais économiste pendant longtemps dans des services de recherches économiques, mais tout en faisant de la musique. D’ailleurs, je suis partie en Italie pendant 4 ans pour faire ma thèse d’économie. C’est à mon retour que j’ai commencé à travailler avec des pianistes sur des répertoires de chansons, notamment celles de Serge Rezvani, Mireille, Dalida, des artistes comme ça. Je négociais des temps partiels avec mes employeurs de manière à gagner du temps pour la musique. Concrètement, j’ai mené de front les deux activités pendant 10 ans. Pendant ces 10 ans, j’ai vu que la musique prenait une place fondamentale, cruciale, vitale. J’ai donc fini par cesser l’économie pour me consacrer uniquement à la musique. Quand je suis partie de la banque dans laquelle je travaillais, la crise est arrivée, je pense qu’il y a un lien de cause à effet (rire).
Clip de "Robes du soir".
Il y a donc un moment où on ressent le besoin de choisir.
Oui, la vie est courte et on a tellement de belles choses à faire. Et puis, c’était deux activités un peu trop parallèles.
Tu as investi Les déchargeurs de mars à juin 2011.
C’était tous les samedis soirs. Et c’était complet tout le temps. Bon, cette salle ne peut contenir que 22 personnes, mais pour quelqu’un qui débutait, c’était déjà extraordinaire. La promiscuité avec le public, la chaleur qui s’en dégageait, j’ai adoré. Cette expérience a été très formatrice en tout cas.
Tu as rencontré Pierre Faa, 6 mois avant d’avoir signé le contrat avec la programmatrice du lieu.
Pierre est une rencontre fondamentale dans ma vie musicale. Il a écrit des chansons, paroles et musiques de plus de la moitié des chansons, mais il a fait aussi l’artwork, il m’a mis en contact notamment avec l’arrangeur qui est un de ses amis d’adolescence et les musiciens qui ont participé à mon album.
Quand on l’écoute, c’est le jazz qui domine, mais pas que. Ce que je trouve étonnant, c’est cette musique un peu « d’avant », finalement d’une modernité absolue.
C’est un peu à l’image de ce que je suis, je pense. Un peu antique et moderne. J’aime beaucoup de choses en fait. J’aime la « variété ». À la fin de mon album, il y a même une tendance electro. Je ne ferme la porte à rien. Il y a des chansons mélancoliques et d’autres plus up tempo, plus solaires… j’ai des origines italiennes par ma grand-mère, alors, le soleil est souvent là.
Clip de "A toi enfant".
Tu as fait appel à un site participatif, Ulule pour faire ton disque.
Grâce à Ulule, j’ai pu financer cet album sans problème. Il fallait 3500 euros… que j’ai eus facilement. Comme je te l’ai expliqué en évoquant mon parcours, ce n’est pas un caprice cette histoire de musique. Ça s’est vraiment ancré dans ma vie progressivement. Et je suis très persévérante, très déterminée. Ça a pris le temps que ça a pris, mais nous y sommes parvenus.
Ce disque est une très belle carte de visite pour se présenter aux gens, pour montrer l’étendue de ton travail.
J’y tenais vraiment, même si le disque n’est plus vraiment le sens de l’histoire.
Quand on t’évoque Saint-Germain-des-Prés, Gréco, Vian… c’est une époque dans laquelle tu aurais réellement vivre ?
J’aurais bien aimé, mais je suis bien aussi en 2013. Ce sont des références de chansons qui me touchent et avec lesquelles j’ai grandi. Ce que j’aimais à cette époque, c’est une certaine légèreté et une audace. Ces chansons étaient plus distancées, ironiques, joyeuses, plus drôles même… on est aujourd’hui dans une époque anxiogène, à tous les niveaux, ce n’est pas pour autant que je suis passéiste. Je trouve juste qu’il y a beaucoup de choses aujourd’hui à réinventer, à proposer. C’est un challenge intéressant.
Il y a une chanson très poétique, « J’ai racheté la tour Eiffel ». Je crois qu’elle s’est fait repérer ailleurs qu’en France.
En Asie, elle figure sur une compilation distribuée en chine, Taïwan Hong Kong. Elle s’appelle French Café. Sinon, certaines de mes chansons ont été relayées sur des radios étrangères avec plus de facilité qu’en France. Espagne, Hollande, Angleterre, Pays-Bas. Il y a moins de catégorisation à l’extérieur. En France, j’ai l’impression que dès lors qu’on n’est pas clairement identifiable, tout devient compliqué. Les programmateurs hésitent à te diffuser, car ils ne savent pas dans quelle case te ranger.
(Photo : Stéphane Chouan)
La question qui tue. Tu chantes pour quoi ? T’épanouir ou rendre les autres heureux ?
Les deux à la fois. Il y a quelque chose de très, non pas thérapeutique parce que ce n’est pas ça, mais de très essentiel dans ce rapport à la vibration, au corps, à la respiration… quelque chose de très basique qui vient des tripes. Chanter, c’est un accès au corps qu’on n’a pas forcément dans la vie de tous les jours. Au-delà de ça, le plaisir de partager, de proposer un univers. J’adore la scène et ses moments de partages autant avec les musiciens qu’avec le public. C’est émouvant de constater qu’il y a quelque chose qui passe dans ce qu’on a envie de dire. Ce sont des moments de vie uniques et incroyables.
Tu écoutes quoi chez tes confrères et consœurs de la chanson française.
J’adore Barbara Carlotti, Clarika, la Grande Sophie, Loane, Nicola Son… mais aussi Arthur H, des gens comme ça.
Ce métier est-il difficile ?
C’est tellement agréable d’être dans son désir et faire des choses qu’on aime. En France, il y a un peu trop le discours comme quoi tout est difficile. Il faut travailler, il faut y aller, même si le climat est quand même très morose.
Tu recherches un tourneur, pas forcément une maison de disque.
J’ai l’impression qu’il y a des artistes qui perdent beaucoup de temps et beaucoup d’énergie a essayé de rentrer en contact avec les maisons de disque qui sont, elles même en difficulté. C’est peut-être dans l’autre sens qu’il faut le faire. Il faut proposer et voir si on peut capter l’attention de quelqu’un.
Es-tu positive pour l’avenir ?
Oui. Je crois aux chances que l’on se donne soi-même. Je crois au fait que quand on est dans son désir, le monde répond. S’il ne répond pas, ce n’est pas grave. Il y a plein d’autres choses à faire.
22:23 Publié dans Les coulisses du show biz, Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emma solal, robes du soir, pierre faa, interview, mandor